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Mon histoire avec la terre

Je suis un enfant de la terre. Terre d'une ferme du Haut Léon. Terre travaillée intensément, à mains nues, après la disparition précoce de mon père. Terre qui me projette, jeune, dans un univers d'adulte.


J'ai aimé tous ces paysans, taiseux, fiers, exigeants, sages. Protecteurs. J'ai aimé toutes ces paysannes, vaillantes, généreuses, aux corps abîmés, aux visages lumineux. Protectrices. Tous éclairés. Ils m'ont accompagné au long de mes jeunes années. Ils m'ont construit. Je les porte encore en moi. Je suis fait de leurs empreintes, des émotions, partages, inquiétudes et voyages intérieurs de cet âge.


Sur le tard, c’est cette terre, ou plutôt une autre, argile ou grès, qui m’a rattrapé. Je rêvais d’écrire, d'être publié, lu. Connu. Ou plutôt reconnu ? J’y étais encouragé. Et puis curieusement, peut être par paresse, c’est cette terre qui, sournoisement, sans crier gare, s'est imposée comme mon outil d’écriture. Foin donc des claviers et traitements de texte. Place à la matière !


A travers elle, je me façonne ma vérité, je me laisse traverser par mes émotions, je me révèle à moi-même, je me surprends.


J'aime cette confrontation avec la matière, avec ces pains de terre brute saisie à pleines mains. Mains souvent prolongées par des cailloux multiformes, des tasseaux, des coquilles d'huître, ou autres outils improbables (les outils sont dans la nature !)


Compressions, torsions, distorsions, éclatements, renversements, tout y passe, jusqu'à ce qu'un début de forme émerge, s'impose, puis convoque un sujet, un personnage, une situation, une histoire. Surgis de ce qui me traverse l'esprit. Identités, dualités, moments forts de l'existence ou de l'actualité, rencontres, visions du monde…


Alors la terre s'incarne, tout devient évidence. Ou presque… La suite n'est sans doute qu’exécution. Parfois longue, laborieuse, suite de défaires et refaires. Parfois rapide, faite de quelques gestes radicaux qui font la différence, qui font œuvre. Toujours exigeant un savoir-faire, qui s'acquiert au fil des années. Où l'émotion n'est jamais loin, investissant parfois le terrain par surprise.


S’arrêter ensuite « à temps », malgré les imperfections manifestes. Pour que la terre garde sa fraîcheur, ses vibrations initiales, pour qu'un souci de perfection n’engloutisse pas la spontanéité de la phase de création. Et puis signer. Avant le séchage. Avant la cuisson, qui rend l'œuvre définitive.


Œuvre un jour exposée. Livrée aux regards, aux interprétations. J’attends qu'elle interpelle. J’y ai « mis du mien ». Mais ceci est du passé. Peut s'oublier. Ce qui me fascine désormais, c'est ce qu'à travers son regard, le visiteur, voit, perçoit, découvre, ressent face cette œuvre. Souvent inattendu. Toujours intéressant.


C'est ainsi, qu’ici, à Ste Marguerite, l'œuvre continue…